Septembre 2010

 

Je me permets d’emprunter le titre de cet article au titre du site internet très bien fait « butyoudontlooksick » (« but you don’t look sick », phrase en anglais dont la traduction est « mais vous n’avez pas l’air malade »), car cet intitulé résume bien le problème de nombreuses maladies auto-immunes dites aussi maladies « invisibles ».

Vous n’avez pas l’air malade, certes, mais vous l’êtes !!

En effet, vous n’êtes pas couvert de boutons, vous n’avez pas 40 de fièvre, vous ne toussez pas, vous avez l’air « normal », et n’importe quelle personne qui a déjà eu une bonne grippe sait ce qu’ « avoir l’air malade » veut dire.

Donc c’est encore plus difficile à expliquer aux autres, car ils ne voient pas votre problème. Et puis un jour vous avez mal à un pied, l’autre au bras, c’est vrai quoi, faites un effort ! Essayer d’être constant!

Et même vous au début vous avez eu du mal à expliquer votre problème, comment imaginer qu’avoir (dans mon cas) mal aux articulations des mains et toujours soif pouvait être relié ? Comment expliquer au toubib que certains jours c’est le bras gauche le problème, puis un autre jour le genou droit, qu’aujourd’hui ça va mais que vous ne savez pas pourquoi ? Comment expliquer que vous êtes toujours fatiguée ? Même si vous dormez bien ; en fait vous faites même mieux que dormir, à ce niveau-là c’est du coma.

Vous n’avez pas l’air malade, et pourtant : vous voyez plus de médecins ces derniers temps que jamais auparavant.

Vous faites plein d’examens, et si vous avez la chance d’avoir un diagnostic, ben en fait ce n’est que le début du parcours du combattant. Vous avez plus de rendez-vous médicaux et de noms de toubibs dans votre carnet d’adresse/agenda que de sorties avec vos ami(e)s. Et vous cherchez des informations sur cette drôle de maladie, vous devenez une spécialiste des « Anti-SS ». Vous pouvez expliquer les avantages/ inconvénients de plus de trois médicaments.

Vous n’avez pas l’air malade, mais pourtant votre vie quotidienne devient franchement compliquée.

Des gestes simples et idiots représentent un vrai défi pour vous. Ouvrir une bouteille d’eau, porter un sac, conduire, taper sur un clavier… Chaque geste demande un effort, pour supporter la douleur, et tout simplement pour le faire, car vous êtes siiii fatiguée que des fois une simple douche est une épreuve.

Et cette fatigue vous pourrit la vie, 1- en vous bloquant chez vous, et 2- en vous faisant supporter les réflexions typiques : « mais pourquoi tu es fatiguée ? ».

Vous n’avez pas l’air malade et votre entourage vous le fait bien comprendre.

Certes vos proches, si on leur explique bien, saura que non, vous n’êtes pas paresseuse, et que certains jours sont mieux que d’autres. Mais il y en aura toujours pour dire que « y’a qu’à faire un effort », ou « tu as essayé X ou Y méthode New Age ? », ou « j’ai entendu parler de… ». Alors, oui, à leur façon ils veulent aider, mais si une méthode miracle existait cela se saurait ! Alors non, vous ne faites pas votre mauvaise tête, vous voulez juste qu’on vous fiche la paix.

Vous n’avez pas l’air malade mais, heu, mince qu’est-ce que j’allais dire??

Ha oui ! Votre esprit est embrumé, vous utilisez de plus en plus de pense-bêtes. Vous avez ce qu’on appelle en anglais le « brain fog » ou « brouillard du cerveau ». Vous tournez au ralenti, vous allez dans une pièce et revenez sans savoir pourquoi vous êtes en train de vous promener chez vous. Vous ne pouvez plus marcher et mâcher un chewing-gum en même temps, trop risqué.

Vous n’avez pas l’air malade, mais vous n’avez jamais eu autant de médicaments à portée de main.

Le traitement contre votre maladie auto-immune, les anti-douleurs, les gouttes pour les yeux, les sprays/gels pour la bouche, la crème pour la peau, ha et puis un autre anti-douleur, les vitamines… Ha et puis la bouteille d’eau aussi, les chewing-gums, le stick à lèvre, la crème pour les mains, j’ai déjà parlé des anti-douleurs ?? Et puis vous vous tenez au courant, tel médicament sera peut-être + efficace. Vous essayez les plantes, l’acupuncture, la gelée royale (perso j’ai pas vu la différence, je dormais autant).

Vous n’avez pas l’air malade mais dernièrement vos achats disent le contraire.

Vous achetez vos vêtements/sac à main/équipement ménager en fonction de leur côté « pratique » (facile à enfiler/facile à porter/facile à ouvrir) et pas seulement parce que cela vous plaît. Et puis surtout, vous achetez quand vous avez assez d’énergie pour faire du shopping. Y’a un côté pratique, vous faites des économies puisque vous ne sortez presque plus. Dernièrement, le choix du lave-vaisselle a été très compliqué : les nouveaux modèles ont des poignées très bizarres, et pas du tout adaptées à votre cas. La tête du vendeur qui vous parle de « capacité », « système vapeur » alors que vous, vous voulez savoir comment ça s’ouvre !

Vous n’avez pas l’air malade, mais là, tout de suite, vous feriez bien une petite sieste.

Oh pas grand choses, juste 2 ou 3 heures… Ah il n’est que 10h du matin ? Tant pis, vous dormiriez bien quand même. Comment ça je me suis levée à 9h ? Et alors, je suis fatiguée ! Fatiguée de quoi ? Ben de rien, mais c’est pareil. D’ailleurs, le chat est d’accord ; depuis que vous êtes malade vous êtes son meilleur ami pour les siestes, il est content, il n'est plus tout seul.

Vous n’avez pas l’air malade, d’ailleurs c’est sûrement ce que dira votre boss quand vous demanderez un aménagement de votre temps de travail ou quand vous lui annoncerez un arrêt maladie de longue durée. Mais c’est pas grave, quand vous en serez là, vous n’en aurez rien à faire de son avis. En attendant, vous faites de votre mieux, vous ne comprenez pas pourquoi certains jours tout va bien et d’autres sont si difficiles et que vous avez besoin de 4 cafés.

Vous êtes malade et pourtant vous êtes toujours vous même!!

Vous aimez toujours la même musique, les même livres/films. Vous aimez toujours lire/peindre/chanter (rayer la mention inutile). C’est juste devenu plus compliqué pour vous de faire ces activités (oui, lire aussi est plus difficile quand vous n’arrivez pas à tenir le livre et que votre cerveau refuse d’enregistrer plus de deux lignes).

Vous êtes malade et pourtant vous ne voulez pas qu’on vous plaigne !!

Bon peut être un peu quand même mais surtout vous voulez qu’on vous prenne au sérieux ! Vous avez une maladie, elle existe ! Elle a même un nom à coucher dehors ! C’est bien une preuve que c’est une maladie non ? Vous auriez pas inventé un truc pareil!

Vous avez cette maladie, c’est agaçant, OK, mais elle n’est pas vous.

Elle n’est pas TOUT ce que vous êtes. Vous êtes plus que cela. Vous êtes toujours quelqu’un qui adore le chocolat ou fait de super crêpes, ou une imitation du tonnerre au repas de famille. Vous êtes toujours quelqu’un, vous n’êtes pas un Sjögren sur patte.

 

Geneviève

 

Geneviève tient un blog (une sorte de carnet de bord ou journal personnel sur internet) où elle parle des difficultés liées au Sjögren, des trucs et astuces pour mieux vivre avec, le parcours du combattant lié au diagnostic et des petits plaisirs qui nous changent les idées, le tout avec humour.

FR IT DE EN